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Gazons : plus fins et denses, moins poussants, ils progressent sur tous les fronts

Depuis trente ans, les utilisateurs de gazon se voient proposer des variétés toujours plus fines, plus résistantes au piétinement et aux maladies, et produisant toujours moins de déchets verts. Telles sont les conclusions d'une étude menée sur ray-grass anglais par l'Association des créateurs de variétés four ragères (ACVF) et l'Institut national de la recherche agronomique (Inra).

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Responsables de collectivités, entrepreneurs paysagistes, responsables de parcs et jardins, green-keepers, responsables de terrains de sport ont des attentes différentes selon les gazons qu'ils ont à mettre en oeuvre. Et ces attentes sont évolutives. Il y a quinze ou vingt ans, on se préoccupait essentiellement de résistance au piétinement, de finesse et de densité du tapis végétal, de son aspect esthétique en hiver et en été... Aujourd'hui, les gestionnaires veulent aussi que la pelouse soit moins gourmande en eau et en engrais, et qu'elle produise le moins possible de déchets de tonte, coûteux à éliminer. Le travail des sélectionneurs n'est donc pas simple. Ils doivent trouver des variétés ou des mélanges capables de répondre à ces critères, à l'évolution des pratiques et à celle de notre environnement, climatique et social... Néanmoins, les variétés disponibles sur le marché se sont nettement améliorées par rapport à celles dont la profession pouvait bénéficier il y a trente ans, voire moins. « Pour preuve, des variétés de gazon que l'on qualifiait de fines il y a dix ans apparaissent presque grossières aujourd'hui. Quoi de plus normal ! La largeur des feuilles de ray-grass a été divisée par deux en trente ans de sélection », expliquait l'an dernier Pierre Bourdon, sélectionneur membre de l'ACVF.

1 LE SÉLECTIONNEUR S'APPUIE SUR UN TRAVAIL RÉALISÉ DEPUIS 2006

par son association et l'Inra. Pendant trois ans, les essais menés sur raygrass anglais ont permis de chiffrer ce qui semblait évident aux professionnels de la filière, à savoir que « l'amélioration variétale a permis, depuis trente ans, de faire progresser significativement la valeur des variétés de ray-grass à gazon ». L'étude repose sur l'analyse des performances agronomiques d'un panel de trente et une variétés anciennes et récentes, fruits de la recherche des sélectionneurs depuis 1974, qui ont été évaluées dans un réseau de dix sites représentatifs de l'ensemble des conditions pédoclimatiques de l'Hexagone. Le panel de variétés a été testé selon trois modes d'évaluation : des lieux d'essais pour la valeur gazon, des lieux d'évaluation en plantes espacées et des lieux d'évaluation pour la production grainière. Ce dernier critère est très important : au-delà de son seul potentiel agronomique, une variété doit posséder une bonne aptitude à produire des graines, afin que son prix reste compétitif.

2 L'ASPECT ESTHÉTIQUE GÉNÉRAL EST L'UN DES AXES MAJEURS

de la sélection gazon. Il tient compte de la finesse et de la densité, ainsi que de la résistance aux maladies et du maintien de l'aspect vert au cours des saisons. Le progrès génétique sur l'esthétique globale est très net et hautement significatif. « En effet, on note que l'amélioration variétale depuis trente ans a été de 1,86 point sur une échelle de 1 à 9 », relève l'étude.

La finesse du feuillage est un élément déterminant de l'esthétique d'un gazon. Sur ce critère, le progrès génétique est également hautement significatif (1,83 point en trente ans), ce qui démontre que la sélection a su indéniablement améliorer un caractère qui était au départ un point faible du ray-grass anglais. « Les variétés récentes peuvent aujourd'hui presque toutes rivaliser avec les variétés de fétuque rouge traçante », estime Pierre Bourdon.

Côté densité, l'amélioration est aussi très nette, puisqu'on observe 2,22 points de mieux en trente ans. Une bonne densité est recherchée afin d'améliorer l'aspect esthétique, mais aussi la résistance au piétinement. Elle permet encore de limiter les espaces vides dans le gazon et de réduire les risques d'apparition de mauvaises herbes. À l'origine, les variétés de gazon étaient d'un vert relativement clair en Europe. Au fil des cycles de sélection, on observe une tendance marquée vers des variétés plus foncées. Deux raisons peuvent expliquer cette évolution. La couleur, d'une part, semble plaire aux utilisateurs. Et l'introduction de matériel génétique américain dans les programmes de sélection européens a, d'autre part, transmis ce caractère aux nouvelles variétés européennes.

3 LA TOLÉRANCE AU PIÉTINEMENT A ÉTÉ LARGEMENT AMÉLIORÉE

par les sélectionneurs. On mesure une progression de 1,8 point sur trente ans. La résistance aux rouilles a, quant à elle, progressé de 0,44 point tous les dix ans. La limitation de l'utilisation des produits phytosanitaires confirme que la résistance naturelle des plantes aux rouilles et aux principales autres maladies constitue la meilleure solution pour limiter les dégâts qu'elles occasionnent.

4 LE CRITÈRE « VITESSE DE POUSSE » N'ÉTAIT PAS JUSQU'À PRÉSENT

officiellement pris en compte et noté par le Comité technique permanent de la sélection (CTPS) et le catalogue officiel français des variétés. « Ce qui n'a pas empêché les sélectionneurs d'y prêter malgré tout un très grand intérêt afin d'obtenir des gazons qui poussent moins et limiter ainsi les déchets de tonte, confie Pierre Bourdon. La forte tendance baissière de la vitesse de pousse est significative au seuil de 0,1 %. Les collectivités sont sensibles à ce critère qui est source de substantielles économies sur l'entretien des espaces verts. »

5 LA PÉRENNITÉ EST APPRÉCIÉE AU REGARD DE L'ÉTAT DU PEUPLEMENT

végétal des parcelles après trois ans d'essais. Moins il y a de vides ou d'adventices, meilleure est la note. Les variétés récentes permettent de limiter les interventions mécaniques ou chimiques pour contrôler les adventices.

6 LES VARIABLES CARACTÉRISANT LA QUALITÉ DU GAZON

sont très corrélées entre elles, précisent les chercheurs. L'amélioration variétale s'est effectuée simultanément sur l'ensemble des critères : résistance au piétinement, finesse, densité du tapis végétal. Et les progrès sont « inversement proportionnels à la biomasse végétative, autrement dit à la vigueur, ainsi qu'à la vitesse de croissance et à la longueur des feuilles ». La finesse et la densité vont de pair avec une meilleure résistance au piétinement et avec un ralentissement de la vitesse de pousse, limitant ainsi la fréquence des tontes et le volume des déchets engendrés...

7 VOILÀ POUR LE RAY-GRASS ANGLAIS, MAIS QUID DES AUTRES ESPÈCES

de graminées à gazon disponibles sur le marché ? « La tendance observée par l'Inra et l'ACVF sur ray-grass est applicable à l'ensemble des variétés », estime le CTPS, qui a réalisé, de son côté, un travail similaire sur toutes les espèces de plantes à gazon du catalogue officiel. Christian Huyghe, président du CTPS, explique : « Nous avons pris en compte des indices afin de “recaler” les variétés les unes par rapport aux autres et pouvoir ainsi comparer ce qui est comparable. On arrive aux mêmes conclusions que l'étude Inra-ACVF. La tendance est à la régularité dans le progrès, sur tous les critères et pour toutes les espèces de plantes à gazon. » Reste aujourd'hui à valoriser ce travail. Le catalogue officiel français (voir l'encadré ci-contre) s'y emploie, dans un contexte toutefois peu favorable. Depuis maintenant un an, la flambée des cours du blé a en effet détourné les producteurs de semences de gazon vers ce marché plus prometteur. Les semences de gazon, plus rares, sont donc plus chères.

Pour la filière, le message à faire passer n'est plus seulement : « Nos variétés sont aujourd'hui meilleures en tout point », mais « Nos variétés sont meilleures, certes plus chères, mais investir dans de bonnes semences permet de réaliser des économies de gestion appréciables ». Parions que la profession est assez mature pour l'entendre.

Pascal Fayolle

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